Nous, Concertation des Collectifs des Associations Féminines de la région des Grands Lacs, COCAFEM/GL en sigle et ses 11 membres basés au Burundi, en RDC et au Rwanda sommes consternés par les violences à l’égard des femmes et des filles et la promotion de la culture de l’impunité des VSBG dans notre région réputée parmi les plus dangereuses au monde en termes de conflits armés récurrents depuis plus de deux décennies, avec comme conséquence fatale la violence sexuelle érigée en arme de guerre par les forces négatives.

Préoccupé(es) par les défis liés à la stabilité, à la sécurité et à la protection des communautés de la région et de façon particulière des catégories marginalisées composées des femmes, des jeunes, des personnes vivant avec un handicap… exposées à la violence sexuelle dans les conflits armés de la région

Notant à ce jour la présence et activités des groupes armés dans la région (FDLR, FNL, ADF-NALU, différentes fractions Mai-mai, LRA, …), la RDC en compterait à elle seule une centaine dans sa partie Est, du fait qu’elle attire des convoitises dues à ses ressources naturelles et minières

Se référant auxpréoccupations de la société civile face à la persistance des actes de violences sexuelles et basées sur le genre (VSBG) commis par les groupes armés dans la région Est de la RDC (Béni, Ituri, Uvira, Hauts et moyens plateaux de Fizi, Tanganyika, …) et qui souffrent de la lenteur dans leur traitement en justice et d’une coopération judiciaire jugée encore timide 

Considérant par ailleurs que les tensions diplomatiques récurrentes entre certains Etats de la région, les problèmes de leadership et gouvernance économique (vulnérabilité économique des communs des citoyens, …) et politique (élections=conflits) ainsi que l’intensification de la circulation et du trafic des humains, des armes (ALPC) et des minéraux précieux (Coltan, Or, …) sont autant des facteurs favorisant la violence sexuelle

Rappelant qu’en date du 19 juin 2008 le Conseil de sécurité de l’ONU a condamné l’utilisation de la violence sexuelle comme une arme de guerre pouvant faire obstacle à la consolidation de la paix (résolution S/RES/1820(2008)

Considérant quela Déclaration de Kampala sur les VSBG a été adoptée lors du quatrième Sommet ordinaire des Chefs d’État et de Gouvernement de la région des Grands Lacs et session spéciale sur les VSBG tenu en date du 15 décembre 2011, à Kampala en République de l’Ouganda recommande, face à la gravité de l’impact des VSBG sur les individus, les familles, les communautés, aux Etats le suivi de sa conformité en termes de Prévention des VSBG, de lutte contre l’impunité des VSBG et l’Assistance aux victimes/survivants des VSBG.

Reconnaissant les progrès enregistrés dans la mise en œuvre de ladite déclaration par les Etats membres de la région des Grands Lacs

Constatant malgré ce qui précède, que bien des défis et conséquences aggravent la précarité et la vulnérabilité des communautés de la région  : Impunité, stigmatisation et banalisation des VSBG, mouvements des populations (réfugiés, déplacés internes,…), pauvreté généralisée des populations, dislocation des familles, grossesses précoces, mariages précoces et forcés, abandons scolaires, abandon des cas poursuivis en justice par les victimes, corruption, arrangements à l’amiable, expositions et infections à diverses pathologies,…

Saluant la volonté des organisations de la société civile tant au niveau régional, national que local de poursuivre leur partenariat avec les institutions étatiques en vue de promouvoir une approche civile et communautaire à la stratégie militaire, par le renforcement de la sensibilisation, de la prévention et de l’alerte précoce 

Constatant le risque élevé d’exposition aux violences domestiques et violences basées sur le genre pour les femmes et les filles en période de confinement, en mesures à la COVID-19, observés dans certains pays de la région

Réaffirmant notre engagement à joindre nos efforts à ceux de nos gouvernements notamment à travers les processus de médiation et de résolution des conflits ce, dans le souci de la consolidation de la paix et la prévention des conflits et de leurs conséquences dont la violence sexuelle, nous proposons les solutions ci-après :

  • Le respect des principes de coopération judiciaire et de non-agression mutuelle entre les Etats, en vertu des différents accords pris au niveau de la région afin de garantir sa paix et sa stabilité
  • Le renforcement des mécanismes de lutte contre l’impunité et la mise en place des mécanismes de réparation judiciaires et extrajudiciaires en faveur des victimes/survivant-e-s des VSBG
  • La révision des lois et l’éradication des pratiques qui font obstacle à l’exercice des droits de la femme et de la fille, notamment celles qui entretiennent les inégalités et les discriminations entre les genres, par rapport à l’accès à l’héritage, à la terre, à l’entreprenariat, à la scolarisation, …
  • Le renforcement des mécanismes et initiatives communautaires d’alerte précoce, d’accompagnement et réinsertion sociale des victimes des VSBG et autres parties concernées existants
  • Le renforcement du rôle des organisations de la société civile, de la jeunesse, des médias dans leurs efforts de promotion de la consolidation de la paix 
  • L’intégration des actions de prévention et de prise en charge des cas des VSBG dans la planification et budgétisation nationale, des structures décentralisées et communautaires
  • L’effectivité de la gratuité des services liés à l’expertise médicale, aux frais de consignation et de justice, ainsi que la multiplication et le rapprochement des centres de prise en charge intégrés des communautés concernés 
  • L’intégration de l’engagement des hommes et des jeunes garçons à la tolérance zéro des VSBG, dans les programmes, les projets et le curricula scolaire 
  • L’allocation d’un budget conséquent aux actions de lutte contre les VSBG par les ministères sectoriels (conformément à la décision 5 de la Déclaration de Kampala sur les VSBG), en particulier au Ministère du Genre et leurs entités décentralisés
  • La promotion des approches communautaires visant à habiliter les communautés locales à dénoncer les actes des VSBG, à protéger, à aider les victimes/survivant-e-s à accéder à des services holistiques appropriés en temps voulu et à les réintégrer par la suite afin d’éviter la stigmatisation et les traumatismes ultérieurs 
  • L’évaluation de la mise en œuvre de la Déclaration de Kampala sur les VSBG dans chaque État de la région dans le cadre des 10 ans d’existence de ce texte (décembre 2021), en perspective d’une deuxième génération de réengagements basées sur les défis, bonnes pratiques et leçons apprises de la première